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LES PLAINES D’ABRAHAM.

ces fatales journées, de Locheill n’avait rien à ajouter pour sa justification devant un tel juge. Quel plaidoyer pouvait être, en effet, plus éloquent que le récit fidèle de tout ce qui avait agité son âme ! Quel plaidoyer plus éloquent que le récit simple et sans fard des mouvements d’indignation qui torturent une grande âme, obligée d’exécuter les ordres cruels d’un chef féroce, mort à tous sentiments d’humanité ! De Locheill, sans même s’en douter, était sublime d’éloquence en plaidant sa cause devant cette noble dame, qui était à la hauteur de ses sentiments.

Elle était bien à la hauteur de ses sentiments, celle qui avait dit un jour à son frère le capitaine d’Haberville (d) :

« Mon frère, vous n’avez pas déjà trop de biens pour soutenir dignement l’honneur de notre maison, sans partager avec moi le patrimoine de mon père ; j’entre demain dans un couvent ; et voici l’acte de renonciation que j’ai fait en votre faveur. »

La bonne supérieure l’avait écouté avec une émotion toujours croissante ; elle joignit les mains, et les tendit suppliante vers le jeune Écossais, lorsqu’il répéta ses malédictions, ses imprécations, ses projets de vengeance contre Montgomery. Les larmes coulèrent abondamment de ses yeux, lorsque de Locheill, prisonnier des sauvages et voué à une mort atroce, rentra en lui-même, se courba sous la main de Dieu et se prépara à la mort d’un chrétien repentant ; et elle éleva ses mains vers le ciel pour lui témoigner sa reconnaissance.

— Mon cher Arché, dit la sainte femme……

— Ah ! merci ! cent fois merci ! madame, de ces