Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.
241
LES PLAINES D’ABRAHAM.

rain pour se retrancher dans des positions inexpugnables. On aurait dit que cent hommes à l’abri de retranchements en valent mille à découvert. On n’aurait point attribué au général Montcalm des motifs de basse jalousie, indignes d’une grande âme : les lauriers brillants, qu’il avait tant de fois cueillis sur de glorieux champs de bataille, l’auraient mis à couvert de tels soupçons.

Væ victis ! La cité de Québec, après la funeste bataille du 13 septembre, n’était plus qu’un monceau de ruines ; les fortifications n’étaient pas même à l’abri d’un coup de main, car une partie des remparts s’écroulait (a). Les magasins étaient épuisés de munitions ; les artilleurs, plutôt pour cacher leur détresse que pour nuire à l’ennemi, ne tiraient qu’un coup de canon à longs intervalles contre les batteries formidables des Anglais. Il n’y avait plus de vivres. Et l’on a cependant accusé de pusillanimité la brave garnison qui avait tant souffert et qui s’était défendue si vaillamment. Si le gouverneur, nouveau Nostradamus, eût su que le chevalier de Lévis était à portée de secourir la ville, et qu’au lieu de capituler, il eût attendu l’arrivée des troupes françaises, il est encore certain que, loin d’accuser la garnison de pusillanimité, on eût élevé son courage jusqu’au ciel. Certes, la garnison s’est montrée bien lâche en livrant une ville qu’elle savait ne pouvoir défendre ! Elle devait, confiante en l’humanité de l’ennemi qui avait promené le fer et le feu dans les paisibles campagnes, faire fi de la vie des citadins, de l’honneur de leurs femmes et de leurs filles exposées à toutes les horreurs d’une ville prise d’assaut ! Elle a été bien lâche cette pauvre garnison ! Malheur aux vaincus !