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LES ANCIENS CANADIENS.

phants de la lutte. On leur reproche avec amertume les conséquences de leur défaite. Ils mériteraient pourtant d’être traités avec plus de générosité ! Un grand capitaine, qui a égalé de nos jours Alexandre et César, n’a-t-il pas dit : « Quel est celui qui n’a jamais commis de faute à la guerre ? » Væ victis !

Le 13 septembre, 1759, jour néfaste dans les annales de la France, l’armée anglaise, commandée par le général Wolfe, après avoir trompé la vigilance des sentinelles françaises, et surpris les avant-postes, pendant une nuit sombre, était rangée en bataille le matin sur les plaines d’Abraham, où elle avait commencé à se retrancher. Le général Montcalm, emporté par son courage chevaleresque, ou jugeant peut-être aussi qu’il était urgent d’interrompre des travaux dont les conséquences pouvaient devenir funestes, attaqua les Anglais avec une portion seulement de ses troupes, et fut vaincu, comme il devait l’être, avec des forces si disproportionnées à celles de l’ennemi. Les deux généraux scellèrent de leur sang cette bataille mémorable : Wolfe en dotant l’Angleterre d’une colonie presque aussi vaste que la moitié de l’Europe, Montcalm en faisant perdre à la France une immense contrée que son roi et ses imprévoyants ministres appréciaient d’ailleurs fort peu.

Malheur aux vaincus ! Si le marquis de Montcalm eût remporté la victoire sur l’armée anglaise, on l’aurait élevé jusqu’aux nues, au lieu de lui reprocher de n’avoir pas attendu les renforts qu’il devait recevoir de monsieur de Vaudreuil et du colonel de Bougainville ; on aurait admiré sa tactique d’avoir attaqué brusquement l’ennemi avant qu’il eût le temps de se reconnaître et d’avoir profité des accidents de ter-