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UNE NUIT AVEC LES SAUVAGES.

accordé beaucoup plus que je n’avais demandé ! Je vous rends grâces, ô mon Dieu ! car j’aurais commis un crime pour lui sauver la vie, et j’aurais traîné une vie rongée de remords, jusqu’à ce que la tombe eût recouvert un meurtrier.

— Maintenant, dit de Locheill après avoir remercié son libérateur avec les plus vives expressions de reconnaissance, en route au plus vite, mon cher Dumais, car, si l’on s’aperçoit de mon absence du bivouac, je suis perdu sans ressources ; je vous expliquerai cela chemin faisant.

Comme ils se préparaient à mettre le pied dans le canot, trois cris de huard se firent entendre vis-à-vis de l’îlot du côté sud du lac.

— Ce sont les jeunes gens du Marigotte, dit la Grand’-Loutre en s’adressant à de Locheill, qui viennent te chercher, mon frère ; Taoutsï et Katakouï leur auront fait dire, par quelques sauvages qu’ils auront rencontrés, qu’il y avait un prisonnier anglais sur l’îlot ; mais ils crieront longtemps avant de réveiller Talamousse, et la Grand’-Loutre va dormir jusqu’au retour du Canadien. Bon voyage, mes frères.

Arché et son compagnon entendirent longtemps, en se dirigeant vers le nord, les cris de huard que poussaient les jeunes Indiens à courts intervalles, mais ils étaient hors de toute atteinte.

— Je crains, dit Arché en descendant le versant opposé de la montagne, que les jeunes guerriers abénaquis, trompés dans leur attente, ne fassent un mauvais parti à nos amis de l’îlot.

— Il est vrai, répondit son compagnon, que nous les privons d’une grande jouissance : ils trouveront le temps long au Marigotte, et la journée de demain leur