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INCENDIE DE LA CÔTE SUD.

Mais, voyant qu’il s’épuisait dans une rage impuissante, il s’éloigna en gémissant.

Le moulin, sur la rivière des Trois-Saumons, ne fut bientôt qu’un monceau de cendres ; et l’incendie des maisons que possédait à Québec le capitaine d’Haberville, qui eut lieu pendant le siège de la capitale, compléta sa ruine.

De Locheill, après avoir pris les précautions nécessaires à la sûreté de sa compagnie, se dirigea vers l’ancien manoir de ses amis, qui n’offrait plus qu’une scène de désolation. En prenant par les bois, qu’il connaissait, il s’y transporta en quelques minutes. Là, assis sur la cime du cap, il contempla longtemps, silencieux et dans des angoisses indéfinissables, les ruines fumantes à ses pieds. Il pouvait être neuf heures ; la nuit était sombre ; peu d’étoiles se montraient au firmament. Il lui sembla néanmoins distinguer un être vivant qui errait près des ruines : c’était, en effet, le vieux Niger, qui, levant quelques instants après la tête vers la cime du cap, poussa trois hurlements plaintifs : il pleurait aussi, à sa manière, les malheurs de la famille qui l’avait nourri. De Locheill crut que ces cris plaintifs étaient à son adresse ; que ce fidèle animal lui reprochait son ingratitude envers ses anciens amis, et il pleura amèrement.

— Voilà donc, s’écria-t-il avec amertume, les fruits de ce que nous appelons code d’honneur chez les nations civilisées ! Sont-ce là aussi les fruits des préceptes qu’enseigne l’Évangile à tous ceux qui professent la religion chrétienne, cette religion toute d’amour et de pitié, même pour des ennemis. Si j’eusse fait partie d’une expédition, commandée par un chef de ces aborigènes que nous traitons de barbares sur cet