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LES ANCIENS CANADIENS.

Mais alors je suis un homme déshonoré ! un soldat, surtout en temps de guerre, ne peut sans être flétri, refuser d’exécuter les ordres d’un officier supérieur ! Cette bête brute aurait le droit de me faire fusiller sur-le-champ, et le blason des Cameron of Locheill serait à jamais terni ! car qui se chargera de laver la mémoire du jeune soldat qui aura préféré la mort du criminel à la souillure de l’ingratitude ? au contraire, ce qui, chez moi, n’aurait été qu’un sentiment de reconnaissance, me serait imputé comme trahison par cet homme qui me poursuit d’une haine satanique !

La voix rude du major Montgomery mit fin à ce monologue.

— Que faites-vous ici, lui dit-il ?

— J’ai laissé reposer mes soldats sur les bords de la rivière, répondit Arché, et je me proposais même d’y passer la nuit après la longue marche que nous avons faite.

— Il n’est pas encore tard, reprit le major : vous connaissez mieux que moi la carte du pays ; et vous trouverez aisément pour bivouaquer une autre place que celle que je viens de choisir pour moi-même.

— Je vais remettre mes hommes en marche ; il y a une autre rivière à un mille d’ici, où nous pourrons passer la nuit.

— C’est bien, dit Montgomery d’un ton insolent, et comme il ne vous restera que peu d’habitations à brûler dans cet espace, votre troupe pourra bien vite se reposer de ses fatigues.

— C’est vrai, dit de Locheill, car il ne reste que cinq habitations ; mais deux de ces demeures, ce groupe de bâtisses que vous voyez et un moulin sur la rivière où je dois bivouaquer, appartiennent au