Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
LES ANCIENS CANADIENS.

en se relevant d’un bond, comme mordue au cœur par une vipère ; si je l’aime ! on voit bien, prêtre, que vous ignorez l’amour maternel, puisque vous croyez que la mort même puisse l’anéantir !

Et, tremblant de tout son corps, elle versa de nouveau un torrent de larmes.

— Retirez-vous, femme, dit le vieillard d’un ton de voix qu’il s’efforçait de rendre sévère ; retirez-vous femme qui êtes venue m’en imposer ; retirez-vous femme qui mentez à Dieu et à son ministre. Vous avez vu votre petite fille ployant sous le fardeau de vos larmes, qu’elle a recueillies goutte à goutte, et vous me dites encore que vous l’aimez ! Elle est ici dans ce moment près de vous continuant sa pénible besogne : et vous me dites que vous l’aimez ! Retirez-vous femme, car vous mentez à Dieu et à son ministre !

Les yeux de cette pauvre mère s’ouvrirent comme après un songe oppressif ; elle avoua que sa douleur avait été insensée et en demanda pardon à Dieu.

— Allez en paix, reprit le saint vieillard, priez avec résignation et le calme se fera dans votre âme.

Elle raconta, quelques jours après, au bon moine que sa petite fille, toute rayonnante de joie et portant une corbeille de fleurs, lui était apparue en songe pour la remercier de ce qu’elle avait cessé de verser des larmes qu’elle aurait été condamnée à recueillir. Cette excellente femme, qui était riche, consacra le reste de ses jours aux œuvres de charité. Elle donnait aux enfants des pauvres, les soins les plus affectueux et en adopta plusieurs. Lorsqu’elle mourut, on grava sur sa tombe : Ci-gît la mère des orphelins.

Soit disposition d’esprit dans les circonstances où se trouvait la famille, soit que la légende elle-même