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LÉGENDE DE MADAME D’HABERVILLE.

réussir à dissiper l’impression pénible qu’il avait causée.

On passa dans le salon pour y prendre le café, sans s’arrêter dans la salle à manger, où les gobelets restèrent intacts.

Les événements qui eurent lieu plus tard ne firent que confirmer la famille d’Haberville dans leurs craintes superstitieuses. Qui sait, après tout, si ces présages, auxquels croyait toute l’antiquité, ne sont pas des avertissements du ciel, quand quelque grand malheur nous menace ! S’il fallait rejeter tout ce qui répugne à notre faible raison, nous serions bien vite pyrrhoniens : pyrrhoniens à nous faire assommer, comme le Marphorius de Molière. Qui sait…… ? Il y aurait un bien long chapitre à écrire sur les « qui sait ! »

Le temps, qui avait été si beau pendant toute la journée, commença à se couvrir vers six heures du soir ; à sept heures, une pluie torrentielle, semblant menacer d’un second déluge, commença à tomber ; le tonnerre ébranlait les voûtes du ciel, un immense quartier de rocher, frappé par la foudre, se détacha du cap avec fracas, et tomba dans le chemin du roi, qu’il intercepta pendant plusieurs jours.

Le capitaine d’Haberville, qui avait fait pendant longtemps la guerre avec les alliés sauvages, était imbu de beaucoup de leurs superstitions : aussi, lorsqu’il fut victime des malheurs qui frappèrent tant de familles canadiennes en 1759, il ne manqua pas de croire que ces désastres lui avaient été prédits deux ans auparavant.

Jules, assis après le souper entre sa mère et sa sœur, et tenant leurs mains dans les siennes, souffrait de