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LES ANCIENS CANADIENS.

— Qu’on nous donne seulement de la poudre et du plomb, reprit le capitaine, et cent hommes de mes miliciens feront plus dans nos guerres de surprises, d’embuscades, de découvertes, que cinq cents soldats des plus vaillants corps de l’armée française ; je parle sans présomption : la preuve en est là. Ce qui n’empêche pas, ajouta-t-il un peu confus de cette sortie faite sans trop de réflexion, que nous avons un grand besoin des secours de la mère patrie, et qu’une bien petite portion des armées que notre aimé monarque dirige vers le nord de l’Europe afin d’aider l’Autriche, nous serait à peu près indispensable pour la défense de la colonie.

— Il serait bien à souhaiter, reprit le bon gentilhomme, que Louis xv eût laissé Marie-Thérèse se débattre avec la Prusse, et nous eût moins négligés.

— Il sied peu à un jeune homme comme moi, dit de Locheill, de me mêler à vos graves débats ; mais, à défaut d’expérience, l’histoire viendra à mon aide. Défiez-vous des Anglais, défiez-vous d’un gouvernement qui a toujours les yeux ouverts sur les intérêts de ses colonies, partant sur les intérêts de l’empire britannique ; défiez-vous d’une nation qui a la ténacité du bull-dog. Si la conquête du Canada lui est nécessaire, elle ne perdra jamais cet objet de vue, n’importe à quels sacrifices : témoin ma malheureuse patrie.

— Bah ! s’écria mon oncle Raoul, des Écossais !

De Locheill se mit à rire.

— Doucement, mon cher oncle, dit le bon gentilhomme ; et pour me servir de votre maxime favorite, lorsque vous retirez les rentes de cette seigneurie : « Rendons à César ce qui appartient à César ; » j’ai