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LA SAINT-JEAN-BAPTISTE.

mands : c’était le feu de joie, à la tombée du jour, la veille de la Saint-Jean-Baptiste. Une pyramide octogone, d’une dizaine de pieds de hauteur, s’érigeait en face de la porte principale de l’église ; cette pyramide, recouverte de branches de sapin, introduites dans les interstices d’éclats de cèdre superposés, était d’un aspect très agréable à la vue. Le curé, accompagné de son clergé, sortait par cette porte, récitait les prières usitées, bénissait la pyramide et mettait ensuite le feu, avec un cierge, à des petits morceaux de paille disposés aux huit coins du cône de verdure. La flamme s’élevait aussitôt pétillante, au milieu des cris de joie, des coups de fusil des assistants, qui ne se dispersaient que lorsque le tout était entièrement consumé.

Blanche d’Haberville, son frère Jules et de Locheill n’avaient pas manqué d’assister à cette joyeuse cérémonie, avec mon oncle Raoul, à qui il incombait de représenter son frère, que les devoirs de l’hospitalité devaient nécessairement retenir à son manoir. Un critique malicieux, en contemplant le cher oncle appuyé sur son épée, un peu en avant de la foule, aurait peut-être été tenté de lui trouver quelque ressemblance avec feu Vulcain, de boiteuse mémoire, lorsque la lueur du bûcher enluminait toute sa personne d’un reflet pourpre : ce qui n’empêchait pas mon oncle Raoul de se considérer comme le personnage le plus important de la fête.

Mon oncle Raoul avait encore une raison bien puissante d’assister au feu de joie : c’était la vente de saumon qui se faisait ce jour-là. En effet, chaque habitant, qui tendait une pêche, vendait, à la porte de l’église le premier saumon qu’il prenait, au bénéfice