Page:De Gaspé - Les anciens canadiens, 1863.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
LES ANCIENS CANADIENS.

celle d’un riche et ostentateur habitant en pareilles circonstances. Outre l’encombrement de viandes que le lecteur connaît déjà, chaque convive avait près de son assiette la galette sucrée de rigueur, un croquecignole, une tarte de cinq pouces de diamètre, plus forte en pâte qu’en confiture, et de l’eau-de-vie à discrétion. Il y avait bien quelques bouteilles de vin sur la table auxquelles personne ne faisait attention : ça ne grattait pas assez le gosier, suivant leur expression énergique. Ce vin avait été mis plutôt pour les voisines, et les autres femmes, occupées alors à servir, qui remplaceraient les hommes après leur départ. Josephte prenait un verre ou deux de vin sans se faire prier ; mais après le petit coup d’appétit usité.

À la troisième table, dans la vaste cuisine, présidait Jules, aidé de son ami Arché. Cette table à laquelle tous les jeunes gens de la fête avaient pris place, était servie exactement comme celle de mon oncle Raoul. Quoique la gaieté la plus franche régnât aux deux premières tables, on y observait, néanmoins un certain décorum ; mais, à celle du jeune seigneur, surtout à la fin du repas, qui se prolongea tard dans la matinée, c’était un brouhaha à ne plus s’entendre parler.

Le lecteur se trompe fort s’il croit que le malheureux mai jouissait d’un peu de repos après les assauts meurtriers qu’il avait déjà reçus ; les convives quittaient souvent les tables, couraient décharger leurs fusils, et retournaient prendre leurs places après cet acte de courtoisie.

Au commencement du dessert, le seigneur d’Haberville, accompagné des dames, rendit visite aux convives de la seconde et de la troisième tables, où ils fu-