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LES ANCIENS CANADIENS.

jeunes gens arrivèrent sur le coteau qui domine le manoir au sud-ouest. Jules s’arrêta tout à coup à la vue d’objets qui lui rappelaient les plus heureux jours de son existence.

— Je n’ai jamais approché, dit-il, du domaine de mes ancêtres sans être vivement impressionné ! Que l’on vante, tant qu’on voudra, la beauté des sites pittoresques, grandioses, qui abondent dans notre Nouvelle-France, il n’en est qu’un pour moi, s’écria-t-il en frappant fortement du pied la terre : c’est celui où je suis né ! C’est celui où j’ai passé mon enfance, entouré des soins tendres et affectionnés de mes bons parents. C’est celui où j’ai vécu chéri de tout le monde sans exception. Les jours me paraissaient alors trop courts pour suffire à mes jeux enfantins ! Je me levais avec l’aurore, je m’habillais à la hâte : c’était avec une soif de jouissances qui ressemblait aux transports de la fièvre !

J’aime tout ce qui m’entoure ! ajouta Jules ; j’aime cette lune que tu vois poindre à travers les arbres qui couronnent le sommet de ce beau cap : elle ne me paraît nulle part aussi belle. J’aime ce ruisseau, qui faisait tourner les petites roues que j’appelais moulins. J’aime cette fontaine à laquelle je venais me désaltérer pendant les grandes chaleurs.

C’est là que ma mère s’asseyait, continua Jules en montrant un petit rocher couvert de mousse et ombragé par deux superbes hêtres ! C’est là que je lui apportais, à mon tour, l’eau glacée que j’allais puiser à la fontaine dans ma petite coupe d’argent. Ah ! combien de fois cette tendre mère, veillant au chevet de mon lit, ou réveillée en sursaut par mes cris, m’avait-elle présenté dans cette même coupe le