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LE MANOIR D’HABERVILLE.

On aurait pu croire que le pinceau d’un Claude Lorrain se serait plu à orner le flanc et le pied de ce cap, tant était grande la variété des arbres qui semblaient s’être donné rendez-vous de toutes les parties des forêts adjacentes pour concourir à la beauté du paysage. En effet, ormes, érables, bouleaux, hêtres, épinettes rouges, frênes, merisiers, cèdres, mascouabinas, et autre plantes aborigènes qui font le luxe de nos forêts, formaient une riche tenture sur les aspérités de ce cap.

Un bocage d’érables séculaires couvrait, dans toute son étendue, l’espace entre le pied du cap et la voie royale, bordée de chaque côté de deux haies de coudriers et de rosiers sauvages aux fleurs printanières.

Le premier objet qui attirait subitement les regards du voyageurs arrivant sur le domaine d’Haberville, était un ruisseau qui, descendant en cascade à travers les arbres, le long du versant sud-ouest du promontoire, mêlait ses eaux limpides à celles qui coulaient d’une fontaine à deux cents pieds plus bas : ce ruisseau, après avoir traversé, en serpentant, une vaste prairie, allait se perdre dans le fleuve Saint-Laurent.

La fontaine, taillée dans le roc vif, et alimentée par l’eau cristalline qui filtre goutte à goutte à travers les pierres de la petite montagne, ne laissait rien à désirer aux propriétaires du domaine pour se rafraîchir pendant les chaleurs de l’été. Une petite bâtisse blanchie à la chaux, était érigée sur cette fontaine qu’ombrageait de grands arbres. Nymphe modeste, elle semblait vouloir se dérober aux regards sous l’épais feuillage qui l’entourait. Des sièges, disposés à l’extérieur et au-dedans de cet humble kiosque,