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LES ANCIENS CANADIENS.

— Et, répliqua Jules, ceux qui viennent les chercher ne savent pas lire que je sache. Voici comme cela se fait. On députe vers le poète un beau chanteux, comme ils disent : lequel chanteux a une excellente mémoire ; et crac, dans une demi-heure au plus, il emporte la chanson dans sa tête. S’il arrive un événement funeste, on prie José de faire une complainte ; si c’est, au contraire, quelque événement comique, c’est toujours à lui que l’on s’adresse dans ma paroisse. Ceci me rappelle l’aventure d’un pauvre diable d’amoureux qui avait mené sa belle à un bal, sans être invité ; ils furent, quoique survenants, reçus avec politesse ; mais le jeune homme eut la maladresse de faire tomber en dansant la fille de la maison, ce qui fut accueilli aux grands éclats de rire de toute la société ; mais le père de la jeune fille, un peu brutal de son métier, et indigné de l’affront qu’elle avait reçu, ne fit ni un ni deux ; il prit mon José Blais par les épaules et le jeta à la porte ; il fit ensuite des excuses à la belle, et ne voulut pas la laisser partir. À cette nouvelle, l’humeur poétique de notre ami ne put y tenir, et il improvisa la chanson suivante, assez drôle dans sa naïveté :

Dimanche après les vêpr’s, y aura bal chez Boulé,
Mais il n’ira personn’ que ceux qui sav’nt dansé :
Mon ton ton de ritaine, mon ton ton de rité.

Mais il n’ira personn’ que ceux qui sav’nt danser :
José Blai comme les autres itou (aussi) voulut y aller ;
Mon ton ton, etc.

José Blai comme les autres itou voulut y aller,
Mais lui dit sa maîtresse : t’iras quand le train sera fé.
Mon ton ton, etc.