faire feu de l’avant, de la poupe ou du bord, suivant leur poſition en la glace.
Et la voix de meſſire Worſt fut entendue diſant :
— Peine de mort à qui parle hautement !
Et les capitaines dirent après lui :
— Peine de mort à qui parle hautement !
La nuit était sans lune, étoilée.
— Entends-tu ? diſait Ulenſpiegel à Lamme, parlant comme souffle de fantôme. Entends-tu la voix de ceux d’Amſterdam, & le fer de leurs patins faiſant crier la glace ? Ils vont vite. On les entend parler. Ils diſent : « Les Gueux fainéants dorment. À nous le tréſor de Liſbonne ! » Ils allument des torches. Vois-tu leurs échelles pour l’aſſaut, & leurs laides faces & la longue ligne de leur bande d’attaque ? Ils sont mille & davantage.
— Cent pas ! cria meſſire Worſt.
— Cent pas ! crièrent les capitaines.
Et il y eut un grand bruit comme tonnerre & hurlements lamentables sur la glace.
— Quatre-vingts canons tonnent à la fois ! dit Ulenſpiegel ! Ils fuient. Vois-tu les torches s’éloigner ?
— Pourſuivez-les ! dit l’amiral Worſt.
— Pourſuivez ! dirent les capitaines.
Mais la pourſuite dura peu, les fuyards ayant une avance de cent pas & des jambes de lièvres peureux.
Et sur les hommes criant & mourant sur la glace furent trouvés de l’or, des bijoux & des cordes pour en lier les Gueux.
Et après cette victoire, les Gueux s’entrediſaient : Als God met ons is, wie tegen ons zal zijn ? « Si Dieu eſt avec nous, qui sera contre nous ? Vive le Gueux ! »
Or, le matin du troiſième jour, meſſire Worſt, inquiet, attendait une nouvelle attaque : Lamme sauta sur le pont, & dit à Ulenſpiegel :
— Mène-moi auprès de cet amiral qui ne te voulut point écouter quand tu fus prophète de gelée.
— Va sans qu’on te mène, dit Ulenſpiegel.
Lamme s’en fut, fermant à clef la porte de la cuiſine. L’amiral se tenait sur le pont, cherchant de l’œil s’il n’apercevait point quelque mouvement du côté de la ville.
Lamme s’approchant de lui :