Le joyeux pays de Brabant,
Sont triſtes comme des cimetières.
Là où jadis, au temps de liberté,
Chantaient les violes, glapiſſaient les fifres,
Sont le silence & la mort.
Battez le tambour de guerre.
Au lieu des faces joyeuſes
De buveurs & d’amoureux chantants,
Sont les pâles viſages
De ceux qui attendent, réſignés,
Le coup de glaive de l’injuſtice.
Battez le tambour de guerre.
Nul n’entend plus dans les tavernes
Le cliquetis joyeux des pintes,
Ni la claire voix des filles
Chantant par troupes dans les rues.
Et Brabant & Flandres, pays de joie,
Sont devenus pays de larmes.
Battez le tambour de deuil.
Terre des pères, souffrante aimée,
Ne courbe point le front sous le pied du meurtrier.
Abeilles laborieuſes, ruez-vous par eſſaims
Sur les frelons d’Eſpagne.
Cadavres de femmes & filles enterrées vives,
Criez à Chriſt : Vengeance !
Errez la nuit dans les champs ; pauvres âmes,
Criez vers Dieu ! Le bras frémit pour frapper.
Le glaive eſt tiré, duc, nous t’arracherons les entrailles
Et t’en fouetterons le viſage.
Battez le tambour. Le glaive eſt tiré.
Battez le tambour. Vive le Gueux !
La belle terre de Flandres,
Et tous les mariniers & soudards du navire d’Ulenſpiegel & ceux auſſi des navires chantaient pareillement :
Le glaive eſt tiré, vive le Gueux !
Et leurs voix grondaient comme un tonnerre de délivrance.