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Les portes de Courtrai sont fermées. Si les gardes de nuit ont entendu le vacarme, ils ne bougeront point, étant trop pareſſeux & croyant que ce sont de bons Flamands qui, buvant, chantent joyeuſement au son des pintes & flacons. Adoncques tenez-vous cois & coîtes devant vos maîtres.

Puis, parlant aux sept :

— Vous allez vers Peteghem trouver les Gueux.

— Nous nous y sommes préparés à la nouvelle de ta venue.

— De là vous irez vers la mer.

— Oui, dirent-ils.

— Connaiſſez-vous parmi ces happe-chair un ou deux que l’on puiſſe relâcher pour nous servir ?

— Deux, dirent-ils, Niklaes & Joos, qui ne pourſuivent jamais les pauvres réformés.

— Nous sommes fidèles ! dirent Niklaes & Joos.

Ulenſpiegel dit alors :

— Voici pour vous vingt florins carolus, deux fois plus que vous n’auriez eu si vous aviez reçu le prix infâme de dénonciation.

Soudain les cinq autres s’écrièrent :

— Vingt florins ! Nous servons le prince pour vingt florins. Le roi paye mal. Donnes-en la moitié à chacun de nous, nous dirons au juge tout ce que tu voudras.

Les bouchers & Lamme murmuraient sourdement :

’T is van te beven de klinkaert ; ’t is van te beven de klinkaert.

— Afin que vous ne parliez point trop, dit Ulenſpiegel, les sept vous mèneront garrottés juſqu’à Peteghem, chez les Gueux. Vous aurez dix florins quand vous serez sur la mer, nous serons certains juſque-là que la cuiſine du camp vous tiendra fidèles au pain & à la soupe. Si vous êtes vaillants, vous aurez votre part du butin. Si vous tentez de déſerter, vous serez pendus. Si vous vous échappez, évitant ainſi la corde, vous trouverez le couteau.

— Nous servons qui nous paye, dirent-ils.

’T is van te beven de klinkaert ! ’T is van te beven de klinkaert ! diſaient Lamme & les sept en frappant sur les tables avec des teſſons de pots & de verres briſés.

— Vous mènerez pareillement avec vous, dit Ulenſpiegel, la Gilline, la Stevenyne & les trois gouges. Si l’une d’elles veut vous échappez, vous la coudrez en un sac & la jetterez à la rivière.