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logis, devant lequel ils virent un des soudards lanſquenets mandés de Bruges par crainte des troubles qui pourraient survenir pendant le jugement & durant l’exécution. Car ceux de Damme aimaient Claes grandement.

Le soudard était aſſis sur le pavé, devant la porte, occupé à humer hors d’un flacon la dernière goutte de brandevin. N’y trouvant plus rien, il le jeta à quelques pas, & tirant son bragmart, il prit son plaiſir à déchauſſer les pavés.

Soetkin entra chez Katheline toute pleurante.

Et Katheline, hochant la tête : « Le feu ! Creuſez un trou : l’âme veut sortir », diſait-elle.


LXX


La cloche dite borgſtorm (tempête du bourg) ayant appelé les juges au tribunal, ils se réunirent dans la Vierſchare, sur les quatre heures, autour du tilleul de juſtice.

Claes fut mené devant eux & vit, siégeant sous le dais, le bailli de Damme, puis à ses côtés, & vis-à-vis de celui-ci, le mayeur, les échevins & le greffier.

Le populaire accourut au son de la cloche, en grande multitude, & diſant :

Beaucoup d’entre les juges ne sont pas là pour faire œuvre de juſtice, mais de servage impérial.

Le greffier déclara que, le tribunal s’étant réuni préalablement dans la Vierſchare, autour du tilleul, avait décidé que, vu & entendu les dénonciations & témoignages, il y avait eu lieu d’appréhender au corps Claes, charbonnier, natif de Damme, époux de Soetkin, fille de Jooſtens. Ils allaient maintenant, ajouta-t-il, procéder à l’audition des témoins.

Hans Barbier, voiſin de Claes, fut d’abord entendu. Ayant prêté serment, il dit : « Sur le salut de mon âme, j’affirme & aſſure que Claes préſent devant ce tribunal, eſt connu de moi depuis bientôt dix-sept ans, qu’il a toujours vécu honnêtement & suivant les lois de notre mère Sainte Égliſe, n’a jamais parlé d’elle opprobrieuſement, ni logé à ma connaiſſance aucun hérétique, ni caché le livre de Luther, ni parlé dudit livre, ni rien fait qui