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bruns, et son teint que la bonté de son sang faisait rouge et que le hâle avait fait brun ; mais Ser Huygs ne choisit pour épouse aucune de celles qui songeaient à lui en secret. Et voilà pourquoi il lui fallut aller loin, prendre sa femme au pauvre Mahom.

La mer fut clémente aux passagers : ils arrivèrent le premier samedi de mai à Bruxelles, et vinrent habiter le Steen de Ser Huygs, beau château bien fortifié. Les soudards armés de lances et qui servent de girouettes au Steen, frappés par un grand vent tournèrent sur eux-mêmes, afin de leur souhaiter la bienvenue gracieusement.

De retour en son Steen, Ser Huygs trouva sa jeune sœur en deuil et sa mère absente pour ne plus revenir. Car elle était allée au pays des âmes bienheureuses.

La dite mère avait aimé son fils en brave femme : par son amour elle le fit bon, par son cœur fort elle le fit vaillant et par son doux esprit le rendit raisonnable.

Or, quand il vit ce nid que venait de quitter celle qui y avait chanté si souvent sur son berceau, Ser Huygs sentit un tel froid au cœur, qu’il faillit en mourir et un si grand désespoir qu’il en fut comme fou et qu’il erra par la maison des jours entiers, pleurant, gémissant, baisant les meubles qui avaient servi à sa mère et cherchant sur les dalles les empreintes des pas de la morte. Il ne voulut plus