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quées et maniérées, que ces pauvres être placés à table, en notre brutale compagnie, n’osent toucher aux mets que du bout des lèvres.

» Le mari, chez nous, peut tuer la femme adultère, mais il n’y a pas de loi qui permette à l’épouse trompée de brûler la cervelle à son mari infidèle. La femme qui aime nous montre l’être le plus beau qui soit sorti des mains de Dieu : amour, dévouement, sacrifice, sublimes élans, abnégation complète d’elle-même, elle réalise l’ange terrestre. Et comment, le plus souvent, payons-nous tout ce bonheur ? Par la brutalité, les soupçons et la jalousie. Nous les prenons pures au sortir des bras de leur mère, pour répéter avec elles les ignobles leçons que nous ont apprises les filles de joie. Puis notre amour éteint, nous sommes sans remords, nous les rejetons salies dans la foule, et leur préparons ainsi des malheurs ineffables. Et nous nous félicitons et nous intitulons joyeusement hommes à bonnes fortunes.

» Nous avons inventé pour elles, le devoir, l’amour platonique et la chasteté ; nous leur commandons de vivre en dehors de la nature, tandis qu’à nous seuls il est permis d’être heureux et libres.

» Et cependant, malgré nos mépris, nos outrages et notre tyrannie, nous n’avons pu parvenir à les dégrader. Combien d’entre elles demeurent douces, bonnes et fières ;