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préciſe de la choſe qu’ils expriment ! on nous parle de miſere en même-tems que de charité, dès que nous ſommes capables d’entendre ; mais nous repréſentons-nous juſqu’à ce que nous l’ayons vu, le dénuement total, ce dénuement qui va juſqu’à rendre impoſſible au miſérable tout effort tendant à ſe tirer de ſa miſere ? ne nous faut-il pas quelque expérience pour ceſſer de dire à l’aventure : il ſe porte bien, il n’a qu’à travailler pour vivre : ſes enfans ſont en âge de gagner leur vie, que n’ont-ils appris un métier ! Nous devrions ſavoir qu’il faut être au moins vêtu pour aller chercher de l’ouvrage, qu’il faut porter ſa faulx ou ſa faucille lorſqu’on va demander à fanner ou à moiſſonner, & qu’on peut n’avoir ni faulx ni faucille, ni de quoi en acheter, ni de quoi payer ſon gîte & ſa nouriture, juſqu’à l’endroit où l’on fait les foins ou la moiſſon : nous devrions ſavoir qu’il y a des ſaiſons mortes où l’on ne trouve point à travailler chez l’agriculteur, & où les ouvrages qui ſe font dans les villes requierent bien d’autres choſes que des forces