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& ſouvent même de toute la Nation, étant naturel d’en juger ſur la conduite du Miniſtre, parce qu’on ne ſuppoſe pas qu’un Prince ou un État choiſiſſe entre les plus déreglez de ſes ſujets, un Miniſtre pour le repreſenter dans une Cour étrangere.

Cependant comme il n’y a point de regle generale qui n’ait quelque exception ; un bon buveur réüſſit quelquefois mieux qu’un homme ſobre à traiter avec les Miniſtres des Pays du Nord, pourvû qu’il ſache boire ſans perdre la Raiſon, en la faiſant perdre aux autres.

Un Prince doit encore conſidere qu’on ne juge d’ordinaire de ſes intentions & de ſes ſentimens que par ceux que fait paroître ſon Miniſtre. S’il ſe rend agreable dans le pays où il ſe trouve, & s’il s’y fait aimer & eſtimer, on y aime & on y eſtime le Maître qu’il repreſente ; s’il s’y rend odieux par un mauvais procedé & par un conduite arrogante ; déraiſonnable & ſcandaleuſe, ſon Prince court grand riſque d’y être haï.