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Plus loin, deux rajeunis, sur la mousse des plaines,
Mêlent dans un baiser les fleurs de leurs haleines ;
Et, seins nus, une vierge en fleur, sans embarras,
Tord ses cheveux luisants qui pleurent sur ses bras.

Dans l’humide vapeur de sa métamorphose,
Blanche encore à demi comme une jeune rose,
Une autre naît au monde, et ses beaux yeux voilés
Argentent l’eau d’azur de rayons étoilés.

Dans les vagues lointains l’une l’autre s’enchantent,
Agitant leurs tambours dont les clochettes chantent,
De galantes beautés, honneur de ces pourpris,
Qui teignent l’air limpide à leur rose souris.

Et tous ces nouveau-nés de qui l’âme ravie
Connaît le prix des biens qui font aimer la vie,
Sans trouble et sans froideur cèdent à leurs désirs,
Et vident lentement la coupe des plaisirs.

Ô doux cygnes chanteurs, vous que la Poésie
Retrempe incessamment dans son onde choisie,
Amis, soyons pareils à ces beaux jeunes gens :
Créons autour de nous des cieux intelligents.

Cherchons au fond du vin les sciences rebelles,
Et l’amour idéal sur les lèvres des belles,
Et dans leurs bras, qu’anime une calme fierté,
Rêvons la Jouissance et l’Immortalité.


Mai 1844.