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EDMOND ROSTAND


Dénouant gravement le ruban d’un rouleau
Tiridate s’avance et déclame : RONDEAU.

« Rondeau pour envoyer, avec mélancolie,
Un cachet de crystal à celle qui m’oublie. »

« Ce cachet de crystal de roche
Par la matière se rapproche
Des yeux dont l’éclat m’est fatal,
Puisque vos yeux sont d’un crystal
Dont votre âme, hélas ! est la roche.
Petit, limpide et glacial,
C’est une banquise de poche,
Le gel d’un pleur monumental,
Ce cachet.

« Car, épigramme et madrigal,
Il a double sens, il ricoche :
Froid, il peint votre cœur hiémal,
Mais il s’attriste, lacrymal,
Comme si, dedans, un reproche
Se cachait ! »

Phylante, interrompant le murmure flatteur,
S’avance, et, sans papier, nonchalant, grand seigneur ;

« RONDEAU, dit-il, que, pour terminer une brouille,
Sur l’écrin d’un cachet de crystal je gribouille !

« Je l’espère, ce sceau gemmai,
Ce sceau d’un crystal sans reproche,
(Car depuis Pépin d’Héristal
Nul roi n’eut sceau d’un tel crystal !)
Scellera le mot qui rapproche.