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LAURIER ET SON TEMPS

certains égards, c’est qu’il n’y a pas aujourd’hui sous le soleil de race plus morale, plus honnête, je dirai même plus intellectuelle… Quand j’étudie notre histoire et que j’assiste aux péripéties du duel prolongé, opiniâtre, implacable que se sont livré l’Angleterre et la France pour la possession de ce continent ; quand je retrace page par page, le dénouement fatal, indécis d’abord, mais prenant graduellement forme et devenant inévitable ; quand je suis la brave armée de Montcalm retraitant devant des forces supérieures en nombre, retraitant même après la victoire, retraitant dans un cercle de jour en jour plus rétréci ; quand, arrivé à la dernière page, j’assiste au dernier combat où le vaillant Montcalm, cet homme vraiment grand, a trouvé la mort dans sa première défaite… Non, Monsieur, je ne cache pas à mes concitoyens d’origine anglaise que j’ai le cœur serré et que mon sang français se glace dans mes veines !… Oh ! ne me parlez pas de vos théories purement utilitaires ? Les hommes ne sont pas de simples automates. Ce n’est pas en foulant au pied les sentiments les plus intimes de l’âme que vous atteindrez votre but, si tel est le but que vous poursuivez… En attendant, nous devons tous, Français, Anglais, libéraux et conservateurs, nous souvenir qu’aucune race en ce pays ne possède d’autres droits absolus que ceux qui n’empiètent pas sur les droits d’autrui. Nous devons nous souvenir que l’expression des sentiments de race ne doit pas dépasser une certaine limite ; que si elle la dépasse, même en restant dans les bornes du légitime, elle peut froisser les sentiments des autres races… Nous nous rappellerons que les vrais principes ne sont qu’une émanation de la vérité divine, et qu’il existe au-dessus de nous une Providence éternelle, dont la sagesse infinie connaît mieux que l’homme ce qui convient le mieux à l’homme, et qui, lorsque tout semble perdu, dirige toute chose pour le plus grand bien. »

La proposition de M. McCarthy ne rallia qu’une dizaine de voix.