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LE MYSTÈRE DES MILLE-ÎLES

venté un cadavre fictif, un permis de médecin ? Organisé des funérailles ? Avec de l’argent, de l’imagination et de la canaillerie, on vient à bout de tout et mes bonshommes n’en manquent pas. Ils ont sans doute réussi et se sont partagés ma fortune.


— XII —


— En somme, je n’ai pas été malheureuse, ici. Je suis parfaitement libre, à condition de ne pas tenter de m’évader. Je ne manque de rien. Mon gardien se rend souvent à la terre ferme pour m’acheter ce que je désire.

« Seulement, je m’ennuie beaucoup, parfois. Je suis si seule !…

« Mes gardiens sont de braves gens. S’ils ont accepté le rôle indigne que leur fait jouer Jarvis, c’était, d’abord, pour échapper à la misère. Ensuite, pour obéir à leur fils unique, qu’ils ont toujours gâté et qui est devenu leur tyran.

« Ce jeune homme est un assez méchant drôle, à ce que j’ai cru comprendre. Débauché, sans scrupule, mais fort intelligent, il est devenu l’âme damné de Jarvis, qui s’en sert pour exécuter ses manœuvres louches.

« C’est lui qui a forcé ses parents à suivre les ordres de mes persécuteurs. C’est lui encore qui est chargé de voir à leur exécution. Il vient souvent à l’île et je crois qu’il entretient des émissaires dans le voisinage.

« Ses parents, aveuglés par un amour déraisonnable, font ses quatre volontés. Au surplus, il leur a fait croire que, si je n’étais pas bien surveillée, il en résulterait des malheurs, pour lui, le fils.

« Aussi, malgré leur pitié pour moi, mes gardiens prennent bien soin que je n’essaie pas de m’enfuir. Je n’en avais pas l’idée, d’ailleurs. Où irais-je ?

« Ils m’entourent de soins empressés et tâchent d’adoucir l’amertume de mon état.

« Comme je n’ai que deux domestiques, je ne demeure pas dans le corps principal du château, dont l’entretien constitue une lourde charge. Je n’y viens que de rares fois. J’ai choisi un pavillon en retrait, situé à l’ouest de la terrasse que vous connaissez.

« Quand votre aéroplane est tombé dans l’île, nous avons d’abord craint que vous ne soyez un émissaire de Jarvis et nous nous sommes cachés. Mais j’ai bientôt compris, en vous observant de loin, qu’elle était votre situation.

« J’ai été si heureuse alors de voir un être humain, qui ne fût pas mon domestique !

« Vous m’avez plu, ai-je besoin de vous le dire ?… Et voilà mon histoire ! Le reste, vous le savez, mon amour.


QUATRIÈME PARTIE

— I —


Hughes n’avait pas interrompu ce récit, qui l’intéressait au plus haut point.

Quand Renée se tut, il la prit dans ses bras et lui dit :

— Ma chérie, je vous plains d’avoir subi toutes ces persécutions. Mais je vous assure que c’est fini. Dorénavant, vous serez sous ma protection et je défie tous les Jarvis du monde de vous atteindre. D’ailleurs, vos persécuteurs vont payer très cher ce qu’ils vous ont fait. Et d’abord, nous allons quitter cette île. Ensuite je ferai rendre gorge à Jarvis et Edward. Vous reviendrez ensuite dans l’île qui vous appartiendra, si vous le désirez, mais parfaitement libre… Vous voulez bien que je vous enlève ?

— Je veux tout ce que vous voulez, répondit Renée. Mais, comment faire ?

— Rien de plus facile. Je vais réparer mon avion, avec l’aide de votre gnôme et, dans une couple de jours, nous pourrons nous envoler.

Hughes se mit à l’œuvre sans délai. Il lui tardait de soustraire celle qu’il aimait au pouvoir des sinistres coquins qu’il savait, par tout ce que lui en avait dit Renée, capables des ruses les plus diaboliques.

Son hydravion, nous l’avons vu, n’avait pas subi de dommages irréparables. Cependant, il faudrait beaucoup de travail pour le remettre en état de voler, d’autant plus que l’aviateur manquait des outils et des pièces nécessaires.

Néanmoins, en se servant de ce qu’il avait sous la main et de ce que le gardien de Renée put lui fournir, il prépara un plan des réparations et jugea que dans trois ou quatre jours, ce serait exécuté.

La jeune femme avait obtenu facilement de son domestique-géôlier qu’il aide Hughes. Va sans dire, elle lui avait caché avec soin le projet d’enlèvement. L’homme qui ne pensait pas à cette éventualité,