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LE BARON DE SAINT-CASTIN

troit à la teste des partis que formeroient ces sauvages ». Avec eux l’année précédente, Portneuf n’avait-il pas réduit cinq forts anglais ? On ruinerait ainsi toute la campagne anglaise. Mais la France devrait fournir un petit secours 7.

Deux mois plus tard, le ministre donnait instructions à Villebon d’annoncer son arrivée à Saint-Jean et Pentagoët afin de trouver à son retour les sauvages prêts à organiser tout de suite des partis contre les Anglais, comme ils lui en avaient exprimé le désir. Villebon avait pour mission de « faire agir les dits Cannibats et s’employer avec eux à faire la guerre à ceux de la Nouvelle-Angleterre ». Il devait s’embarquer sur le Soleil d’Afrique à Québec, après avoir pris les ordres de Frontenac 8.

Villebon échappa à ce rôle subalterne. Le roi avait des visées plus hautes pour lui.


Louis XIV, en pleine campagne militaire, « au camp devant Mons », le 7 avril 1691, élaborait un plan impossible même sur le papier. De ce document, il ressortait que le roi voulait bien garder l’Acadie (que de grâces !) mais sans y consacrer ni un soldat ni des sommes suffisantes.

« En attendant que Sa Majesté exécute la résolution où Elle est de restablir le Port Royal », Villebon devait se tirer d’affaire avec des moyens de fortune. Lésinerie, lanterneries, c’était la continuation de la constante politique de la France à l’égard de l’Acadie 9.

Le roi accordait à Villebon la frégate royale le Soleil d’Afrique, le plus fin voilier de l’époque au dire de Charlevoix, que commandait le corsaire canadien Denys de Bonaventure. Il promettait ensuite, avec magnificence, cinquante soldats… à prendre dans les prisons de Boston, parmi ceux que Phipps avait ramassés à Port-Royal 10.

Le 11 novembre, Frontenac faisait connaître qu’il n’y avait que six prisonniers libérés. Villebon n’en vit jamais un seul autre, tant les Anglais se jouaient de lui 11. On n’obtint satisfaction qu’en 1695, quand on eut recours aux bons offices de Saint-Castin, décidément indispensable dans toutes les affaires de l’Acadie.