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LA GUERRE DE SAINT-CASTIN

D’autres, habitations ordinaires, étaient entourées d’une forte palissade. Ce moyen de défense existait dans toute la Nouvelle-Angleterre 30

Le 27 juin, deux squaws se présentaient à chaque maison désignée. On les y recevait avec cordialité. Leurs hôtes poussaient la complaisance jusqu’à leur expliquer la façon d’ouvrir les portes, en cas de nécessité, durant la nuit.

Waldron hébergeait le chef Mecondowit. Les deux hommes passèrent une soirée agréable, à fumer et à se raconter des souvenirs. À un certain moment, Mocondowit dit à son hôte : « Que ferait mon frère Waldron si les Indiens étrangers arrivaient tout à coup ? » Avec bonne humeur, Waldron répondit qu’à un simple signal du doigt, cent soldats accourraient aussitôt.

On se coucha. Le silence se fit partout. L’heure vint. Doucement les portes de toutes les garrison-houses s’ouvrirent, des squaws en sortirent et de longs sifflements troublèrent la sérénité de la nuit. Dans le clair de lune surgirent des ombres bondissantes. Des cris de terreur s’élevèrent, des lueurs d’incendie trouèrent l’ombre. Deux cents Indiens mettaient la malheureuse ville à feu et à sang.

Chez Waldron, plusieurs des assaillants avaient surpris le major dans son lit. Le solide vieillard se défendit avec vaillance, mais il fut bientôt terrassé. On l’attacha sur une chaise, dépouillé de ses vêtements. Ayant trouvé le garde-manger, les ennemis firent ripaille à son nez. Chacun, à tour de rôle, marquait d’une croix quelque coin de sa chair, au moyen d’un couteau, disant en même temps : « Je biffe mon compte ». Leurs amis entraient un instant pour assouvir eux aussi leur vengeance. Puis ils lui coupèrent le nez et les oreilles, qu’ils lui mirent dans la bouche. Ils lui tranchèrent la main droite car il avait l’habitude, en pesant les fourrures, de la mettre dans le plateau de la balance afin de diminuer d’une livre le poids des pelleteries. Enfin, plantant son sabre devant lui, la pointe en l’air, ils le précipitèrent dessus. « Ton poing va-t-il peser une livre maintenant ? » 31 s’écrièrent-ils. Les sauvages tuèrent son gendre Abraham Lee, et ils emmenèrent en captivité sa fille et ses serviteurs. Puis, ayant tout pillé, ils mirent le feu à la maison. Ainsi était vengée la trahison en 1676.