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LE BARON DE SAINT CASTIN

une calomnie qui mériteroit punition, bien que le contraire eût été bien prouvé et bien reconnu ».

Subercase avait écrit de Port-Royal, le 20 décembre 1708 : « J’ai retenu Saint-Castin qui vouloit passer en France à cause d’une chicane avec des parents voulant absolument qu’il soit bâtard malgré tous les certificats des missionnaires, des peuples, des témoins et de l’évêque même. » Subercase joignait à sa lettre des certificats signés de missionnaires et de tous les anciens du pays, puis il ajoutait :

« Ce pauvre garçon a à faire au premier chicanier de l’Europe, et lieutenant général de la ville d’Oléron en Béarn, qui depuis de longues années jouit de ce bien-là, et cette pauvre famille est dans la dernière misère, et qui n’auroit pas de pain sy d’honnestes gens ne se mellaient de leurs affaires » 18.

Selon Labaig, Saint-Castin avait eu « un commerce public avec une sauvagesse » et il en avait eu deux filles, puis il avait épousé la sœur de sa concubine dont il eut dix enfants.


On accusait toujours de débauche les Français égarés parmi les sauvages. M. de Menneval écrivait, en 1688 : « J’ai porté le sieur de St-Castin à une vie plus réglée. Il a quitté sa vie de débauche avec les sauvages ». Il faut s’entendre sur le sens de débauche : on l’appliquait à toute vie irrégulière dans les bois, réfractaire à la discipline tatillonne décrétée par les débiles gouverneurs de Port-Royal. Évidemment, de ce point de vue, Saint-Castin était un débauché ; il ne l’était pas au sens ordinaire du terme.

En somme, on ne relevait contre Saint-Castin que son commerce avec les Anglais et nous verrons ce qu’il faut en penser. Il est remarquable qu’on l’a toujours ménagé, dans une colonie où les haines étaient vives et où la correspondance échangée avec la cour était faite dans une grande mesure d’accusations mutuelles.

À vrai dire, on n’a jamais su le fin fond de l’histoire ; on n’a jamais su non plus combien d’enfants eut Saint-Castin. Il ne s’expliquait pas, il vivait à l’écart des Français trop intrigants, trop dangereux, toujours disposés, malgré la réputation de galanterie de leur nation, à traîner dans la boue l’honneur des femmes.

Saint-Castin avait pour l’édifier l’aventure de Mme de Preneuse et de M. de Bonaventure. D’une amitié,