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LE BARON DE SAINT CASTIN

de cette année-là, affirme Sylvester (III, 100), tous les établissements à l’est de Saco et autour de la Piscataqua avaient cessé d’exister. L’habileté des sauvages atteignait un tel point que, estime Belknap, chaque Indien tué ou capturé coûtait mille livres aux colonies anglaises.

À l’été de 1708, ils redevenaient le principal élément militaire dans ces parages. Français et Anglais se disputaient leur appui, ainsi que l’atteste une lettre du gouverneur de Boston, Dudley, à Subercase, datée du 25 août 1708 :

« Vous croyez que les sauvages de Kénébec et de Pentagoët dépendent de vous, écrivait Dudley. En réalité, ils sont sujets de la couronne de Grande-Bretagne. Vous voulez leur persuader le contraire. Je ne doute pas qu’avec le temps, je les réduise à l’obéissance ».

À la fin d’août, justement, les Abénaquis se joignaient aux Algonquins que Saint-Ours des Chaillions et Hertel de Rouville menaient contre la Nouvelle-Angleterre et ils participaient à l’attaque d’Haverhill où une centaine d’Anglais succombèrent. C’est au retour de cette expédition que MM. de Chambly et de Verchères trouvèrent la mort dans une embuscade.

Le 20 décembre 1708, Subercase annonçait l’envoi de Saint-Castin à Pentagoët avec des présents. Il était revenu le 12, ayant trouvé le village à peu près vide. Abandonnés à eux-mêmes, les sauvages avaient quitté Pentagoët pour l’hiver, craignant les attaques des Anglais sur la neige. Le 1er  décembre, n’avaient-ils pas aperçu trois petits bâtiments en croisière sur leurs côtes ?

On voit, par là, que Bernard-Anselme, s’il jouait à l’occasion le rôle de chef abénaquis, ne suivait pas en tout les gens de sa tribu ainsi que l’avait fait Jean-Vincent. Il se considérait plutôt comme officier français et « capitaine des sauvages », ne prenant le commandement des Pentagoëts que pour appuyer l’action des blancs.

Fier de son titre de lieutenant, Bernard-Anselme ne se livrait pas au commerce dont son père avait tiré de grands avantages. C’est pourquoi Subercase écrivait au ministre, le 20 décembre 1708 : « Cette pauvre famille est dans la dernière misère, et n’auroit pas de pain sy d’honnestes gens ne se melloient de leurs affaires ». Il ajoutait que, faute de retirer régulièrement la solde de lieutenant, Bernard-Anselme « seroit obligé d’abandonner pour se retirer sur son bien en France n’ayant pas d’autre ressource pour vivre ».