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LE BARON DE SAINT-CASTIN
acceptaient avec plaisir quand il leur faisait entrevoir la possibilité de répandre le sang anglais, — ils étaient poussés par leurs maîtres ecclésiastiques à assouvir leur haine envers les hérétiques anglais au moindre prétexte, y étant encouragés aussi par la perspective de vendre aux Français les scalps et les captifs anglais. Ainsi s’associaient chez eux le désir de la vengeance et l’appétit insatiable du mercenaire, d’où, sous l’influence pénétrante des jésuites français, sortit à la fin une véritable piraterie humaine (…) Ces jésuites encourageaient les sauvages à satisfaire sans contrainte leur désir de se livrer à la débauche d’une orgie de sang et de cruauté diabolique, mais toujours aux dépens des Anglais ».

Les chroniqueurs puritains accusaient plutôt Saint-Castin. Mais Godfrey, qui en tient pour la thèse de Parkman, va jusqu’à dire qu’au fond Saint-Castin était l’ami des Anglais. Sylvester lui-même écrit (p. 389) : « À cette époque, se trouvait à Sainte-Famille un virulent Jésuite du nom de Thury dont les récriminations auprès du gouvernement de Québec démontrent que Saint-Castin n’était pas animé contre les Anglais de toute l’ardeur haineuse que les Jésuites auraient voulu ». Certains chroniqueurs, mêlant tout, représentaient Saint-Castin comme perpétuellement entouré d’une bande de prêtres sanguinaires 19.

La vérité est que les Pentagoëts, menacés d’extinction par les Anglais comme les autres tribus de ces parages, avaient résolu de se défendre par tous les moyens. Ce dont les bons puritains s’étonnaient. Abénaquis lui-même, Saint-Castin ne pouvait qu’épouser leur querelle. Puis, provoqué par Andros, il en fit une affaire personnelle. Son ami Thury lui aida, mais n’avait pu précipiter une guerre commencée depuis six ans déjà quand il arriva en Acadie.

Quand, à son tour, la France entreprit de combattre l’Anglais, les Abénaquis devaient forcément s’associer à elle dans une œuvre devenue commune. Mais ils se considérèrent toujours comme des alliés plutôt que les sujets du roi assujettis aux ordres de ses représentants. Ils livraient les combats qu’il leur plaisait, ils concluaient des trêves quand bon leur semblait. Si les Français formaient des plans d’attaque dont le succès reposait sur la collaboration des Peaux-Rouges, ils devaient solliciter cette aide. Villieu le vit bien, lui qui, ayant traité avec injustice leur chef Saint-Castin, eut tant de peine à leur faire briser la trêve de 1693. Le fardeau de la guerre retombait sur eux. S’ils l’acceptaient, c’est qu’ils luttaient pour leur propre défense, et non pas, comme le roi et les