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LE BARON DE SAINT-CASTIN
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France changea sa manière d’agir lorsqu’elle eut perdu une bonne partie de l’Acadie, trop tard par conséquent.

Aussi les gouverneurs étaient bien naïfs qui écrivaient : « Les gens sont désaffectionnés à la France ». Comment en aurait-il été autrement ? Plus perspicace, un chroniqueur notait « l’inclination de ceux de Port-Royal pour ceux de Boston par la privation où ils se voyent de tous les secours de France » 17.

Chacun tirait son épingle du jeu comme il pouvait. On en vient à considérer avec indulgence des gens que des historiens ont appelés traîtres, les Latour, les Le Borgne, d’autres. La nécessité de vivre force de recourir aux expédients et il n’est pas donné à tous d’avoir une âme de héros.

Saint-Castin, aussi, s’accommoda le mieux possible des circonstances où il se trouvait. Pour son bonheur, ces circonstances lui firent une vie plus noble et plus avantageuse qu’à d’autres. Mais, il importe de le répéter ici, Saint-Castin n’est pas resté en Acadie par nécessité. Si les Acadiens n’avaient en général rien à espérer en France, s’ils n’avaient pas le choix, Jean-Vincent d’Abbadie venait d’hériter, quand il partit pour Pentagoët, du titre et de la fortune assez rondelette de sa famille. Il aurait donc pu rentrer dans son pays. Il resta pour obéir à une consigne.

Il fut commerçant : il fut, surtout, chef des Abénaquis. Chef indépendant, en un pays-frontière, où il ne subissait pas plus l’autorité de la France que celle de l’Angleterre. La Hontan écrivait avec raison : « Les gouverneurs du Canada le ménagent et ceux de la Nouvelle-Angleterre le craignent ».

Saint-Castin n’avait pas choisi cette existence par dégoût de la civilisation, comme l’ont écrit tant d’auteurs qui en ont fait ridiculement un disciple de Jean-Jacques avant la lettre. Il n’a pas été « capitaine de sauvages », pas plus que seigneur de Pentagoët réfugié au fond d’un manoir fortifié, ainsi que d’autres l’ont prétendu.

Abénaquis, il partageait la vie des Abénaquis, faisant le commerce en leur nom et les commandant à la guerre au même titre que les autres chefs. Il n’eut jamais le commandement suprême, puisque son beau-père Madokawando vécut jusqu’en 1698, c’est-à-dire jusqu’à la fin de la guerre de Saint-Castin. Quand les luttes reprirent avec