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IBERVILLE ET SAINT-CASTIN

Les plans furent un peu bousculés. Avant l’aurore, les sentinelles du camp indien s’avisèrent de tirer sur un colon en marche vers les bois. L’attaque n’en fut pas moins vigoureuse. Cinq fortins tombèrent tout de suite aux mains des assaillants, qui les brûlèrent. Dans l’un d’eux, les sauvages tuèrent quatorze personnes. Les sept autres résistèrent. Les Indiens n’insistèrent pas, mais firent un horrible massacre dans les maisons non protégées. Une centaine de personnes perdirent la vie. Charlevoix fixe ce nombre à 230 et à 20 celui des maisons brûlées 14.

Pour les sauvages, ce n’était que le début de la campagne. Villieu, satisfait de la gloire ainsi récoltée, rentra tout de suite à Québec avec quatre sauvages. Il arriva à point nommé, pendant un congrès d’indigènes convoqué par Frontenac. Avec un grand sens de la mise en scène, Villieu parut brusquement à une réunion des délégués, accompagné de ses Abénaquis, et jeta treize chevelures anglaises aux pieds du gouverneur de la Nouvelle-France. Ce fut un beau coup de théâtre. En outre, Villieu ne manqua pas de se vanter copieusement, de sorte que son exploit remplit la correspondance des gouvernants pendant des mois. À eux seuls, les sauvages avaient déjà accompli bien davantage. Villieu aimait à accaparer l’attention et souffrait mal l’autorité d’un supérieur. La mésentente régnait entre lui et Villebon, de qui il se plaignait fort 15.

L’envoi de Villieu en Acadie fait naître des doutes sur le rôle de Saint-Castin auprès des sauvages. Les Français considéraient-ils qu’il remplissait si mal sa mission qu’il importait d’envoyer à la rescousse d’autres officiers ? Nous examinerons cette question dans un autre chapitre. Notons simplement ici que Villieu ne fit que passer, qu’il disparut des tribus de l’Acadie après un premier combat, pour n’y plus rentrer. Songeons aussi que son voyage constituait le résultat décevant du beau plan avorté, grâce auquel Villebon devait joindre des troupes blanches aux sauvages. Malgré son mérite, on se serait parfaitement passé de Villieu 16.


— IV —


La campagne se poursuit. — Les Indiens tenaient toujours la campagne. Avec quarante d’entre eux, Taxous, « trouvant qu’il n’avait pas assez de chevelures », se dirigeait vers l’ouest où, au fort de Groton, il tuait une