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voyage fut d’un faste inouï. Et don Juan reçut la reine à Namur par des fêtes inimaginables.

Mais la tragédie ne tarda pas à assombrir la brillante compagnie. Pour donner le change à son frère, vu le grand nombre de gens présents, M. de Varanbon ne fit pas « seulement semblant de cognoître » la belle Hélène.

Celle-ci était toute dolente déjà au départ de Paris. Devant la froideur apparente de son amoureux, la pauvre, trop jeune pour deviner la ruse, « tomba dans le despit, le regret et l’ennuy ». Ce fut au point qu’elle « se trouva tellement saisie qu’elle ne put plus respirer qu’en criant et avec des douleurs mortelles ». Et la reine Margot ajoute :

« N’ayant nulle autre cause de son mal, la jeunesse combat huit ou dix jours la mort qui, armée de despit, se rend enfin victorieuse, la ravissant à sa mère et à moy, qui n’en fismes pas moins de deuil l’une que l’autre ».


Le pathétique atteignit son comble aux obsèques de la belle morte d’amour. Ces obsèques eurent lieu à Liège, où une partie de la cour s’était transportée. C’est exactement l’histoire des obsèques d’Ophélie, ou plutôt les obsèques d’Ophélie s’inspirent tout à fait de celles d’Hélène de Tournon. Dans le drame shakespearien, le prince Hamlet, qui a délaissé Ophélie, revient au Danemark après un long séjour en Angleterre. Il arrive au moment où le convoi funèbre emporte au cimetière d’Elseneur, sous une jonchée de fleurs, le corps de « celle qui fut l’âme de son âme ». Le prince demande : « Quelles sont ces funérailles dont toute la cour se