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lire à la femme du boulanger tous les bulletins de nouvelles arrivant sans interruption à l’agence. La boulangère ne demandait pas mieux, perdue qu’elle était dans sa campagne et elle écouta avec plaisir, jusqu’à ce que Blackman revint avec son « papier » sensationnel.

Et voici un truc qui évoque des incidents encore plus tragiques, si possible. Quand se produisit la purge sanglante du parti nazi, en 1934, Lochner, principal correspondant de l’Associated Press à Berlin, sachant qu’on l’empêcherait de transmettre avant plusieurs heures sinon jamais les nouvelles qui commençaient à filtrer, avait imaginé de se faire téléphoner toutes les heures du bureau de Londres. Il racontait ainsi tout ce qu’il apprenait, sans qu’on soupçonnât la moindre chose, puisqu’on ne le voyait faire aucune communication par les voies ordinaires. De la sorte, le monde a été renseigné plus tôt sur le drame monstrueux qui se jouait en Allemagne.

La vie du correspondant est pleine de danger. Au cours de la guerre civile d’Espagne, Nutter, représentant de l’Associated Press, téléphonait un jour à Londres, surveillé par un censeur loyaliste. Des coups de feu se firent bientôt entendre à proximité : les nationalistes attaquaient. Le censeur n’eut rien de plus pressé que de s’enfuir, criant à l’autre : « Si tu restes, raconte cette attaque à Londres comme tu voudras ». Ce que fit le journaliste, sans se soucier de la canonnade ni de la fusillade.

À quelques jours de là, trois correspondants, en route vers un secteur particulièrement actif, se faisaient tuer par un obus tombant sur leur voiture.

27 mai 1941.