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s’entendre dire qu’on avait trouvé à la belle Sophie un nouveau parti, très avantageux quant à la fortune. Et, pour comble, Sophie elle-même dit au malheureux : « J’ai une grande faveur à demander à mon frère, c’est d’être mon témoin au contrat ». — « Ici, raconte Lacretelle, se termine un roman aussi triste que tronqué. »

Toutes les femmes ne traitaient pas Lacretelle avec autant de sans-gêne. Il avait près de soixante-quinze ans et s’appelait toujours Lacretelle jeune quand une coquette, d’un âge appareillé au sien, lui demanda des vers. Il s’en garda bien, ayant le sens du ridicule. Elle l’attrapa dans un salon, un beau soir, et lui dit, faisant jouer les lourdes grâces qu’on imagine : « Monsieur de Lacretelle, vous si galant et si flatteusement attentif envers moi, vous pour qui la poésie est sans mystère, ayez donc la bonté de me trouver un mot qui rime avec coiffe ». (Vous ai-je dit que la dame caressait parfois la Muse ?) À quoi Lacretelle répondit sans se déconcerter : « Madame, ce que vous me demandez là est impossible ; comment pourrais-je trouver cette rime ? Ce qui appartient à la tête d’une femme n’a jamais ni rime ni raison ».

Mais revenons au théâtre et à l’Académie. Ce fut en passant par le théâtre que Charles-Guillaume Étienne parvint à l’Académie. Il n’emprunta pas la voie directe, comme tant d’autres ; sa course fut tortueuse.

Chaque pièce d’Étienne (il était auteur et aucunement acteur) eut un sort étrange. La première, intitulée Le Pacha de Suresnes, alarma Mme Campan par le bruit qui s’était répandu que cette pièce censurait le pensionnat dont elle était la direc-