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Sinon, qu’on le dise, qu’on le dise tout de suite, ou je vais m’en aller ! » Et déjà, le chapeau sur la tête et son éternel rouleau de papier sous le bras, il se dirigeait vers la porte. Il fallait que les gendarmes le saisissent à plein corps pour le ramener à son banc, où il déroulait son papier pour reprendre la lecture de son exposé.

Salvator en voulut trop faire et, croyant à un certain moment détruire scientifiquement les preuves accumulées par la police, il aggrava au contraire son cas. Les avocats passèrent à leurs discours.

Le procureur royal (on était sous Louis-Philippe) était le célèbre Plougoulm, le plus éloquent qu’on eût entendu dans un tribunal depuis au moins soixante ans, affirmait-on. Il prononça un réquisitoire terrible contre le faux-monnayeur assassin.

Salvator lui répondit en une harangue furieuse. Mais le président du tribunal donna quand même la parole à son jeune avocat qui, visiblement, n’était pas en possession de ses moyens. Profondément ému, balbutiant, cherchant ses mots, et encore plus ses idées, ne finissant pas ses phrases, il omit de discuter les principales charges.

Son discours créa un profond malaise dans la salle. Le président allait déclarer les débats clos quand, brusquement, on vit se lever l’avocat général Plougoulm qui dit à peu près : « Nous sommes dans une situation délicate. Le jeune avocat que vous venez d’entendre, messieurs les jurés, était animé d’un zèle louable, mais le zèle ne suffit pas toujours… La défense de l’accusé a-t-elle été complète ? Nous ne le pensons pas ». Et Plougoulm d’énumérer toutes les circonstances favorables à l’accusé que son avocat aurait dû faire valoir.