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Les aventures de Perrine et de Charlot

ne hôtesse, sa tante avait de vieux serviteurs qui l’aimèrent tout de suite. « Ce petit M.  Le Jeal, s’exclamaient-ils, quel solide et joli gars ! Et c’est doux et poli avec cela ! Une vraie chance pour nous de servir un si bon môme ! » Ils s’empressaient à l’envi autour de lui, lui faisaient fête… Ah ! il vivait un peu comme dans un rêve le pauvre Charlot ! Lui qui avait connu, durant ses deux ans chez les sauvages, le dénuement le plus complet, la faim, la soif, la maladie, les mauvais traitements, il s’étonnait sans cesse. Lorsque le matin, il entrait dans la vaste salle à manger de sa tante, vêtu de soie et de velours ; lorsqu’il voyait s’approcher pour veiller sur lui et satisfaire ses moindres désirs, un serviteur en livrée, il se prenait à sourire. Il soufflait à l’oreille de l’hôtesse : « Cousine, que dirait Perrine ou Iouantchou de me voir traiter en prince ? » La bonne hôtesse riait. « Hé ! hé ! petit, disait-elle, tout arrive dans la vie. L’imprévu, souvent, l’impossible, parfois ! N’ai-je pas quitté, moi, ma chère auberge ? Et pour qui, s’il vous plaît ? Pour un galopin, qui me mène aujourd’hui par le bout de son nez rose. » Elle se sentait heureuse, la brave femme, et larmoyait souvent à la vue de cette félicité inattendue.

On atteint ainsi le commencement d’avril 1639. Le chanoine veille. Sitôt qu’une occasion favorable se présentera pour le voyage au Canada, le pieux ecclésiastique préviendra Charlot. Il le remettra en des mains sûres.

Un après-midi, Charlot, assis aux pieds de la bonne hôtesse, près de la porte-fenêtre du grand salon, voit entrer le chanoine, joyeux et épanoui. Il est suivi d’une dame qui a la plus ravissante figure du monde : de jolis yeux noirs, pensifs et caressants, un teint rose, des lèvres souriantes. Et