Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.

M. le curé au catéchisme. Ne vous disent-ils pas souvent, très souvent, qu’il n’y a de vraiment malheureux dans le monde, de malheureux et de vaincus irrémédiablement, que les lâches, les paresseux, les cœurs très méchants.

— Tante, s’écrie vivement Jacqueline avec reproche, vous dites un grand, grand mot. (Elle étend les bras.) Qu’est-ce que ça veut dire irre… irre… (Elle roule les r, fait des contorsions, tire un peu la langue.)

On rit quelques instants. Tante Élise s’en mêle. Puis : « Pardon, mes pauvres petits. Je vais reprendre mon irrémédiablement, et tacher d’être plus claire. Dans la vie, vous ne le savez pas encore heureusement, on peut sembler, parfois, perdre la victoire. Tant de rudes coups vous accablent et vous blessent à la fois. Mais, tôt ou tard, avec une bonne conscience, — ce qui est déjà une consolation, — de la patience, du travail, un peu de savoir et d’adresse, on se relève, on surmonte les obstacles, on éloigne les malheurs. »

— Comme Job, alors, tante, remarque Luce, qui a obtenu cette année un premier prix d’Histoire sainte.

— Comme Job, comme le saint homme Job, oui, Luce. Et maintenant, n’interrompez plus tante. Elle a hâte de vous présenter son petit héros, Jean-le-joyeux.

— Jean, il s’appelle Jean comme moi, s’exclame malgré lui le petit Jean, rouge de plaisir. Est-ce un canadien, tante ?

« Chut, chut, chut, reprennent en chœur les enfants. » Et Jacqueline, sans plus de cérémonie pose sa menotte nerveuse sur la bouche de Jean. Il la repousse, lève un instant le poing, puis baisse la tête, confus. Mais tante n’a rien vu. Elle a repris la parole, les yeux au loin.