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complète. Durant des soirs et des soirs, le chant des belles bûches ronflantes lui rappelleraient son triomphe ! Il s’épongea le front. Puis, regardant le ciel, il eut un geste involontaire d’impatience. Le soleil marquait bien midi. Hé ! sa faim aussi. Ses quinze ans, à la vigueur splendide, se plaignaient amèrement. Ils demandaient à se refaire avec un peu de nourriture. Le jeune bûcheron fit quelques pas. Il avança la tête dans l’unique sentier qui avait été tracé dans la forêt. Rien. Personne ne venait. Déçu, comme on l’est à cet âge, où l’on possède une faim de loup, mais vaillant toujours, il reprit son travail. Il s’attaqua cette fois à un pin. Ce beau gars solide était un ambitieux, petits !

Il s’interrompit bientôt, entendant le hou ! hou ! coutumier, lancé par une voix frêle, enrouée, encore lointaine. Avec un cri de joie, il se précipita dans le sentier, la hache sur l’épaule. Il rejoignit en quelques enjambées un garçon de petite taille, chétif pale, de même âge que lui, au regard intelligent, mais triste, bien triste. Le pauvre garçon boitait misérablement.

« Jean, dit-il, tout essoufflé par la marche. Jean… pardonne-moi… J’ai été retardé… beaucoup… à la maison. Comme… tu dois avoir faim !

— Certes, mon Blaisot, répondit Jean-le-Joyeux à son frère.

C’était, en effet, Jean-le-Joyeux… Jean grandi, transformé, embelli, mais toujours aimable, courageux et hardi.

Avec un sourire il s’empressa d’enlever le lourd panier que portait son frère. Il prit son bras. Il se mit à marcher lentement à ses