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la poussée d’une rafale terrible de vent, disparurent ainsi que les jardins, Jean n’aperçut plus devant lui que la forêt profonde.

« Ouvrez maintenant sans crainte les yeux, Altesse, prononça-t-il avec déférence. Nous sommes seuls dans les bois qui accueillent bien tous les fugitifs, n’est-ce-pas ?

Le jeune homme en trouvant dans son cœur ces paroles rassurantes, s’éloigna un peu d’Aube. N’avait-il point senti, tout à l’heure, à maintes reprises, combien son voisinage immédiat faisait frissonner cette enfant…

Soudain, ô joie, le jeune homme entendit des hennissements. Il courut à un large chêne et y trouva attaché deux beaux chevaux blancs. Il appela la princesse.

« Vite, Altesse, montons sur ces coursiers. »

Passivement, Aube obéit. Mais en voulant à son tour sauter sur l’autre bête. Jean se souvint du conseil de son professeur d’équitation : « Veille bien, Jean, à ce que le cheval que tu monteras ait une tache noire au milieu du front. »

Hélas ! seule la bête qui portait la princesse avait cette tache sombre au milieu du front. Force fut donc au jeune homme de se glisser sur le même cheval que la princesse. Elle ne souffla mot, mais elle le regarda avec ce mélange de crainte et de méfiance qui blessait si cruellement le noble cœur de Jean.

Ils chevauchèrent de longues heures en silence. Le cheval allait bon train, semblant connaître toutes les ramifications de l’épaisse forêt

Vers la fin de l’après-midi, Jean sentit tout à coup s’alourdir contre lui le svelte corps de la princesse. Il se pencha, anxieux. Elle dormait, les yeux encore humides de larmes. Il respira mieux « Du moins, pensa-t-il, elle va oublier durant quelques heures tous ses malheurs et… aussi ma présence qui les rend encore plus cuisants, ajouta-t-il, avec amertume. Oh ! ma petite bien aimée, comme je vous plains, et comme je plains aussi votre pauvre amoureux… Souffre-t-on toujours ainsi lorsqu’on aime ? continua naïvement Jean. Car, qu’est-ce