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recevant aucune réponse, il pénétra résolument. Des cris sourds partirent aussitôt du fond d’un luxueux salon rose, et Jean vit fuir trois belles personnes vêtues de satin, de gaze et de dentelles. De grands yeux candides, mais épouvantés se fixèrent sur lui au passage.

La princesse Aube vint à son tour se dresser en face de lui. Qu’elle lui parût pâle, douloureuse, et, — le cœur de Jean se serra, — hautaine et hostile.

« Venez-vous vous repaître de mes malheurs, Seigneur, vous qui si traîtreusement en avez causé une partie » ? Comme elle s’exprimait avec une triste, la pauvre petite princesse abusée !

Jean gémit dans son cœur. « Ciel ! quel être vil et cruel me croit la douce enfant que j’aime, songeait-il. » Durant quelques instants, il la regarda en silence. Ses yeux étaient brûlants de reproches, de détresse, de supplications. Que ne pouvait-elle lire dans son âme même, toute remplie d’elle ?… Puis le jeune homme s’inclina en disant : « Votre Altesse se montre impitoyable pour qui la vénère pourtant, et désire la sauver au prix de sa vie. Mais j’accepte le tourment indicible que vous m’infligez. Seulement, ô Altesse, je vous en prie, consentez à me suivre ? »

La princesse se détourna avec mépris. Mais sa figure redevint bientôt si lasse et si triste que Jean en fut consterné. De quelle voix pitoyable, elle martela les mots de sa réponse : « Je ne crois plus en vous, Seigneur… Je refuse de vous suivre… Mais dites, — et un sourire douloureux parut au coin de ses lèvres, — dites, vite, quel supplice nouveau me réserve la fée Envie par votre entremise. Obligée de s’absenter pour douze heures, cette femme cruelle a donc trouvé cet ingénieux moyen de me torturer : votre présence ».