Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout cela me monte un peu à la tête !… Altesse, continua-t-il à voix haute, en s’inclinant, pardonnez-moi d’avoir osé m’approcher de vous, ce soir… Hélas, j’en suis indigne,… Qui suis-je ?… Qui suis-je ? » Il se baissa et cueillit dans l’herbe, un humble trèfle blanc, perdu au milieu de la pelouse veloutée. « Gracieuse enfant, voyez cette fleur rustique ! Malgré l’éblouissant voisinage des lis et des roses, il a voulu fleurir sous vos pas… Eh bien, à l’exemple de l’audacieuse petite fleur, moi aussi, j’ai désiré être heureux un moment à vos pieds… Mais je viens de me ressaisir, Altesse, et je vais m’éloigner,… ne craignez rien,… je vais m’éloigner !

Seigneur, soupira la princesse, n’aurez-vous donc toujours pour moi que de mystérieuses paroles ?… Non, non, je vous en conjure, ne vous éloignez pas ! J’ai si peu d’amis… si peu de cœurs m’aiment vraiment… »

Jean releva ta tête. « S’il y a peu de ces cœurs, princesse, comme ceux-là, du moins, vous aiment… ardemment, uniquement ! Un mot tendre de votre bouche, et c’est pour eux du soleil plein l’âme ; un mot cruel, une attitude indifférente, et c’est l’abîme de la douleur qui s’ouvre… Altesse, vous voulez vraiment, dites, m’enchaîner à vos pas ?… Non, certes non, je ne m’éloignerai pas maintenant. Vous le désirez !… En retour, puis-je vous supplier de me garder votre douceur… quoi qu’il arrive ! Ah ! quoi qu’il arrive !… Promettez-moi ?

— Chut ! » dit tout à coup la princesse. Et Jean vit changer la tendre expression de ses yeux. Il lut au fond de ses prunelles bleues une épouvante pénible. Il se retourna lentement. La reine Épine et le seigneur de Rochelure pénétraient sous les ormes.

« Ma chère belle fille, dit aussitôt la reine, de sa voix aigre-douce, dans quel délicieux coin de verdure, vous êtes-vous réfugiée… Pardonnez-moi de venir vous y troubler. Mais mon cœur compatissant, vous le savez,