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fier bûcheron, le chevalier des gnomes, fit glisser son masque. La princesse ne bougea pas. Elle souriait tranquille, un peu mutine, les yeux levés sur Jean.

« Croyez-vous, seigneur, dit-elle, que votre voix, grave et ardente, ne vous a pas trahi ?… Que le soin que vous mettez ce soir, à vous substituer au seul danseur que je veux fuir, ne m’a pas éclairée ?… Qui donc, ah ! qui donc, sinon mon humble, mon courageux défenseur d’il y a deux semaines, pouvait ainsi deviner ma détresse, celle de mes regards, comme celle de mon cœur ?… Ces ormes, écoutez-les, ne nous rappellent-ils pas, en leur bruissement très doux, la bonté du serviteur déguisé pour la petite princesse brutalisée ? »

Jean remit son masque, étouffant un cri de joie profonde. Puis, il vint mettre un genou en terre devant la jolie Aube : « Princesse, dit-il avec révérence, ce n’a été, ce jour-là qu’une insignifiante blessure que je vous ai offerte en hommage… car sachez-le, oh ! sachez-le, j’aurais donné, je donnerais encore… ma vie, pour vous procurer le bonheur… et, en ce moment, si je pouvais, — sa voix se fit plus basse. — empêcher, non briser ces fiançailles, qui me désespèrent… qui me torturent !

— Seigneur, par pitié, ne m’enlever pas mon courage. C’est pour mon père que je me sacrifie… ne le saviez-vous pas ?

— A-t-il le droit d’accepter une aussi longue souffrance ? dit Jean, très sombre.

— J’ai, moi, en tout cas le droit de lui prouver ainsi mon amour filial. Relevez-vous, de grâce, seigneur !… Racontez moi plutôt vos vaillantes actions. Éclairez moi… Quel est votre nom, gentil chevalier ?… Le lieu où vous habitez ?… Parlez-moi de ceux que vous aimez ? »

La physionomie de Jean se voila et, timide, misérable, il reculait maintenant…

« Qu’avez-vous, Seigneur ? demanda Aube.

« Comme je m’oublie, pensait Jean, en passant avec lassitude la main sur son front. Mais aussi cette fête… son harmonieuse beauté,… le sourire de la princesse,…