Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

trop de compassion pour ce pleurard de receveur, une femmelette, quoi !… Pouah ! il s’accrochait tantôt à vous ainsi qu’un petit veau naissant ! Qu’est-ce que Rochelure nous a envoyé là comme receveur, le maître fourbe ? »

Il traîna Jean jusqu’à la cabane, l’y enferma et s’éloigna, laissant à la porte pour le garder un vieux bûcheron, un peu sourd, un peu ivrogne. Mais qu’avait-on à craindre d’ici au lendemain matin ?

L’aube perçait à peine l’obscurité de la cabane lorsque Jean fut éveillé par le bruit de pas légers, non loin de lui. Il fut quelques instants avant de pouvoir reprendre conscience des événements de la veille. Ce qu’il comprit tout d’abord, c’est, qu’il se trouvait, ô joie, délivré de ses liens. Mais qui donc avait eu cette charité ? Qui ? Il regarda plus attentivement autour de lui. Il aperçut alors au fond de la cabane une gracieuse forme féminine, à demi-enveloppée dans un large manteau. Des provisions, tartines, fruits et vin, avaient été placées sur un madrier et la compatissante geôlière se tenait, en attendant le réveil du prisonnier, près d’une ouverture pratiquée dans le mur de la cabane. Elle regardait l’aurore qui dorait déjà la forêt toute proche.

Jean, bien bas, demanda : « Qui va là ? » Un cri léger, fut étouffé. La matinale visiteuse accourut.

« Paule !… cria Jean, stupéfait, Paule ! »

Il passa la main sur son front.

« Que faites-vous ici, petite ? reprit-il… C’est vous, n’est-ce pas, qui m’avez délivré de mes liens ? Mais…, mais Paule,… dites-moi… ?

— Seigneur, attendez d’être restauré avant de causer, car… oh ! mon récit serait long peut-être ! »

La voix de la jeune fille était si triste, si lasse, que Jean tressaillit. Il se pencha, cherchant à lire sur le fin visage.

« Paule… de grâce, approchez-vous plus près ?… Levez les yeux ? Ah !…

Et le jeune homme qui avait en même temps repoussé son manteau aperçut une robe toute noire.