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Il regardait Jean avec attention. Celui-ci, depuis quelques instants, pirouettait à travers la pièce sans faire de bruit. Il riait ou grimaçait, glissant partout des yeux subtils et vifs.

« Paix, rustre, paix, ordonna Rochelure, et regardez un peu de mon côté !… Si vous me servez bien, chez les bûcherons, si vous m’en rapportez beaucoup d’or, je vous récompenserai avec magnificence. Sais-tu ce que je ferai de toi ?… ajouta-t-il familièrement, posant la main sur le bras de Jean, un puissant personnage, va, pour peu que tu le comprennes, un bouffon, l’ami, une sorte de fou royal… avec la liberté de tout dire, de tout faire… et ne recevant d’ordre et de défense que de moi… Ah ! ah ! ah ! l’excellente idée que j’ai là. Et la bienheureuse institution que je ferai revivre grâce à toi. On ne peut mieux désirer que ta trogne, d’abord. Tu as le physique de l’emploi ! La belle tignasse que la tienne !… Et quelle peau !… On en rêverait de ta pelure de singe… Ah ! ah ! ah !… C’est un vrai succès que je vais obtenir à la cour ! Qui sait ! Je devrai peut-être te céder à ma hautaine princesse. Tu es capable, monstre, de lui arracher un sourire, fut-ce de pitié… Et c’est chose rare, va, que les sourires de la belle Aube ! »

Jean se détourna vivement, enfonçant des mains nerveuses dans ses poches. Là ! qu’il aurait giflé avec plaisir l’impertinent Rochelure. Lui ! Oser parler ainsi de l’angélique petite princesse !… Puis, ses yeux brillèrent. L’idée de Rochelure était vraiment ingénieuse. S’il devenait un bouffon, voilà qui pourrait servir ses plans auprès du roi. Mais… mais… pourquoi ne pas profiter tout de suite de cette heureuse inspiration ? Un fou, on venait de le lui dire, pouvait se permettre impunément toutes les audaces.