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Par l’attribution du prix Goncourt, le grand public va connaître le nom de Marcel Proust, auteur de plusieurs livres, intéressants ou remarquables, qui n’avaient eu pour eux, jusqu’ici, qu’une élite de lecteurs attentifs. Certes, un peuple vit de bonne soupe ; mais il vit aussi de beau langage, et l’apparition d’un romancier étincelant au firmament littéraire intéresse la prospérité nationale. C’est à ce titre que je considère le vote de mes collègues et amis comme très important. Depuis la fondation de l’Académie, en 1903, nous n’avons pas, à mon avis, couronné un ouvrage aussi vigoureux, aussi neuf, aussi plein de richesses – dont quelques-unes entièrement originales – que cet À l’ombre des jeunes filles en fleurs[1].

Ce volume, je vous en préviens, est d’aspect assez rébarbatif : 440 pages, imprimées dru. Les alinéas y sont rares. L’auteur n’est ni pressé, ni cursif. À mesure qu’il raconte les autres, en ayant l’air de se raconter – par un subterfuge psychologique très ingénieux – il examine et retourne les problèmes les plus délicats de la vie intérieure, les défauts, les travers, les vices, les affectations, les mensonges,

  1. Éditions de la Nouvelle Revue française, 35, et 37, rue Madame : un volume, 5 francs.