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les « ah !… » montant, éclatant, s’étalant avec les fusées et les soleils dont le reflet éclairait d’une pâleur fantômale les visages autour de moi.

Je me vois, à peu près vers le même temps, monté sur une chaise devant le tableau noir d’une classe des Frères, et traçant mes lettres à la craie, tout fier de mon savoir précoce. Et la mémoire des sens, ces sons, ces odeurs qui vous arrivent du passé comme d’un autre monde, sans qu’il y ait trace d’événement ou d’émotion quelconque !

Tout au fond de la fabrique où le Petit Chose a passé son enfance, près de bâtiments abandonnés dont un vent de solitude, faisait battre les portes, il y avait de hauts lauriers-roses, en pleine terre, répandant un bouquet amer qui me hante encore après quarante ans. Je voudrais un peu plus de ce bouquet aux premières pages de mon livre.

Trop écourtés aussi les chapitres sur Lyon où j’ai laissé se perdre bien des sensations vives et précieuses. Non pas que mes yeux d’enfant aient pu saisir l’originalité, la gran-