Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/37

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un soir pourtant je rapportai une grande nouvelle et une grande joie ! Le Spectateur, un journal légitimiste, acceptait de mettre mes talents à l’épreuve en qualité de chroniqueur. On imagine facilement avec quel amour, avec quel soin j’écrivis ma première chronique ; même avec la préoccupation calligraphique du travail ! Je la porte à la rédaction, on la lit, elle plaît, on envoie l’article à la composition. J’attends, respirant à peine, l’apparition du numéro. Allons, bon ! Paris est sens dessus dessous, des Italiens ont tiré sur l’empereur.

Nous sommes en pleine terreur, on poursuit des journaux, on a supprimé le Spectateur ! La bombe d’Orsini avait foudroyé ma chronique.

Je ne me tuai pas, mais je songeai au suicide.

Et cependant le ciel prenait en pitié ma misère. L’éditeur, que j’avais vainement cherché, se trouvait tout-à-coup sous ma main, le libraire Tardieu, dans la rue de Tournon, à ma porte. Il était lui-même homme de lettres, et quelques-unes de ses œuvres