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sous les hauts ombrages opulents, brodés de roulades sonores, d’un gazouillis d’oiseaux de riches. Plus loin, nous retrouvions les fleurs sauvages de notre île, les ramures folles, les saules grisonnants et tordus, ou bien quelque vieux moulin, haut comme un château fort, avec sa passerelle verdie, ses grands murs irrégulièrement percés et sur le toit chargé de pigeons, de pintades, un frisson continu d’ailes que la grosse mécanique semblait mettre en mouvement… Et le retour au fil de l’eau, en chantant de vieux airs de nature ! Des cris de paon sonnaient sur les pelouses vides ; au milieu d’un pré, on voyait la petite voiture du berger qui ramassait au loin ses bêtes pour le parcage. Nous dérangions le martin-pêcheur, l’oiseau bleu des petites rivières ; on se courbait à l’entrée de l’Orge, pour passer sous l’arche basse du pont, et tout à coup la Seine, apparue dans les brumes du crépuscule, nous donnait l’impression de la pleine mer.

Parmi tant de charmants vagabondages, un surtout m’est resté, un déjeuner d’automne dans une auberge du bord de l’eau.